Recettes de Pain Égyptien - Cuisine égyptienne - Galette

Recette Pain Egyptien



1 - La recette du pain vendu en Égypte
Sorte de galette plate sans mie, cuite au feu de bois.

- Mélanger 110 g de farine complète avec 340 g de farine ordinaire, 1 pincée de sel, 15 g de levure de boulanger fraîche et 280 g d'eau

- Pétrir 10 minutes environ

- Laisser reposer à température ambiante couvert d'un linge 1 heure

- Retravailler la pâte 5 minutes

- Découper en 15 boules grosses comme 1 œuf

- Laisser reposer 30 minutes

- Aplatir chaque boule en galette de 15 cm environ

- Cuire 1 minute d'un côté et 30 secondes de l'autre
(peut se faire dans une poêle sans graisse)

Proposé par Jacques, un fidèle du blog.



2 - La préparation du pain dans un village du delta égyptien
(Kafr el-Deir, Province de Charqia)

Extrait de "La préparation du pain dans un village du delta Égyptien" de Fawzeya et Kamel RIZQALLAH - Publication de l'IFAO


Fabrication de la farine

1 - Nettoyage des grains (tangeyyet el-hebûb)
La paysanne commence par laver les grains pour enlever les cendres mélangées à ceux-ci et les met à sécher au soleil sur des nattes. Ensuite, elle met dans le tist une bonne quantité de blé ou de maïs, et enlève tous les éléments étrangers aux grains (cailloux, terre, mauvaises graines, herbes, etc...).
Après quoi elle passe les grains au crible (blé ou maïs).
Tenant le crible avec ses deux mains, elle lui donne des secousses de bas en haut. Par ce geste s'opère la séparation des mauvaises graines contenues dans la céréale.
Ces gestes portent des noms en dialecte : (garbalet el-gamh) pour le blé, et (nasf el-dora) pour le maïs.

2 - Broyage des grains (tahn el-hebûb)
Dés que la paysanne est sûre de la propreté des grains, elle les met dans un sac, si la quantité est grande, ou dans le couffin, si la quantité est moindre, et va au moulin.
- Elle porte le couffin sur sa tête. Le sac est porté par un âne.
- Maintenant le moulin est mécanique. Jadis un boeuf l'actionnait. Son propriétaire est un habitant du village.
- La quantité de grains à broyer est pesée dans le moulin. La paysanne préfère être présente durant cette opération, pour empêcher toute tricherie de l'ouvrier.

3 - Tamisage de la farine (nahl el-degîg)
Une femme âgée, tante d'el Sayed, s'assied par terre; à côté d'elle les deux couffins contenant la farine de blé et de maïs; devant elle le grand tist et le angar.
Elle commence à passer la farine de blé avec le tamis de soie. La farine tamisée descend dans le tist, le son est recueilli dans le angar. Après avoir tamisé la farine de blé, elle commence à passer la farine de maïs avec le tamis en grillage, toujours dans le même tist sur la farine de blé. Elle passe aussi une petite quantité de fenugrec (environ 150 g).
Elle mélange bien le tout avec ses mains dans le tist. Tout le son se trouve dans le angar.
Le tamisage dure une demie-heure : de 08h30 à 09h00 du matin.


Préparation de la pâte (Aguîna)

Depuis 08h30, l'eau a chauffé dans la marmite. On la verse dans le mâgûr; on y ajoute un peu d'eau froide et 50 g. de sel non raffiné, dit de "Rosette" (malh rasîdi).
Soraya verse la farine dans l'eau qui est dans le magûr. Elle commence à pétrir, déplaçant ses mains et ses bras par un mouvement circulaire, de l'arrière vers l'avant, partant de sa poitrine et les projetant devant elle.
Au bout d'un quart d'heure, elle ajoute le levain, qui représente en quantité le cinquième de la pâte. Elle continue à pétrir encore pendant un quart d'heure. Toute l'opération dure ainsi une demie-heure, et s'achève à 09h30.
Durant ce travail, la femme de temps à autre, frotte avec ses mains la pâte. A la question : "Pourquoi ce geste?" elle répond : "pour supprimer les poches non pétries et contenant de la farine" (lâ tekalka).
A la fin du pétrissage, la paysanne fait couler sur la surface de la pâte une très petite quantitée d'eau. Puis le mâgûr est recouvert avec le tist pour laisser la pâte fermenter.
Nous avons constaté que la pâte a levé au bout de deux heures. Nous avons demandé aux deux femmes :"est-il normal qu'en été la pâte mette moins de temps à lever qu'en hiver?". Elles répondirent :"En hiver, la pâte lève en trois heures".
Après le pétrissage et jusqu'à ce que la pâte fermente, les deux dames prennent leur petit déjeuner, ensuite elles font les travaux de ménage, lessive ou cuisine, ou vont faire des achats au souq tout près du village.


Chauffage du four

A 10h45, Soraya monte, à l'aide d'une échelle en bois, sur le toit de la maison, où sont entreposés les combustibles, et commence à les jeter devant la salle.
Elle jette une bonne quantité d'arbustes de cotonnier, trois brassées de tiges de maïs et 20 de galettes de gella. Cette tâche dure un quart d'heure. La dame âgée se met à briser les tiges de maïs et les arrose d'eau pour réduire la fumée quand elles vont brûler dans le foyer du four.
Elle bourre le foyer de vieux journaux et les allume.
Elle commence à alimenter le foyer en tiges de maïs. Cette opération est dénommée gadh el-forn. La vieille dame remarque que la fumée est dense; elle dit : el-hatab bi aba ce qui veut dire : "le bois donne beaucoup de fumée". Le combustible de maïs fume abondamment; aussi est-il brûlé entièrement en premier. Après avoir brûlé les tiges de maïs, la dame âgée commence à alimenter le foyer avec des arbustes de cotonnier mouillés (la fumée du bois de coton est moins dense que celle du maïs).
Toutes les tiges de maïs et les deux-tiers des arbustes de coton sont brûlés avant la cuisson.
On garde toute la gella et le tiers des arbustes de coton pour alimenter le foyer durant la cuisson.
L'opération de chauffage du four dure une demie-heure. Elle commence à 11h00 et se termine à 11h30.
Au début la fumée est dense et s'échappe par la porte de la salle et par la lucarne (marûza), puis diminue petit à petit, et finit par disparaître complètement.
La direction du feu est la suivante : comme l'ouverture du foyer se trouve au nord-ouest du four, l'air venant du nord chasse le feu qui se précipite sous la sole (arsa) qui s'échauffe, puis sort par l'ouverture sarûga percée dans la partie est à gauche de la sole.
Une fois le four bien chauffé, la paysanne entoure le bout du ûd d'un chiffon mouillé et essuie la sole avant de commencer la cuisson.


Cuisson du pain

A 11h30 les deux dames sont prêtes à commencer la cuisson, car déjà la pâte a fermenté pendant deux heures : de 09h30 à 11h30.
A ce stade du travail, les deux femmes collaborent. Les gestes qu'elles vont accomplir portent, en dialecte, les noms suivants : el-tagrîs (le travail de la dame âgée) et el-rah (le travail de la jeune dame).
La première s'assied par terre, le mâgûr devant devant elle, à l'est du four, à gauche de Soraya. La jeune dame s'assied, toujours par terre, en face du four, face au nord. Elle donne le dos à la porte de la salle. Le ângar contenant le son est devant elle.
La cuisson commence; la dame âgée prend dans le mâgûr un morceau de pâte plein sa paume. Elle accomplit, deux ou trois fois, un geste précis, qui consiste à projeter sa main en avant, de façon à étirer la pâte en longueur, puis à la ramasser de nouveau dans sa main.
Ensuite elle fait tomber cette boule, bonne pour un pain, sur la matraha que tient Soraya.
Cette façon de procéder donnera à la galette, une fois cuite, une surface bien lisse, car ces gestes donnent à la pâte une consistance égale et empêchent la formation de bulles d'air. Si la paysanne n'accomplit pas cette opération, ou bien la pâte sera épaisse, ou trop liquide, et dans les deux cas inutilisable; la galette cuite sortira du four avec des trous résultant des bulles de fermentation.
Nous pouvons comparer cette manipulation à l'opération des oeufs battus, qui donne au mélange du jaune et du blanc une consistance égale.
Après cette opération (tagrîs), Soraya, la jeune dame, commence ce qu'elle appelle el-rah. Voici de quoi il s'agit :
La paysanne mouille sa main avec de l'eau et essuie la surface de la matraha de la poussière. Elle prend dans le ângar un peu de son qu'elle étale sur la matraha.
Elle répète ce geste pour chaque galette. Elle tient le manche de la matraha avec la main droite : le pouce très droit tenant d'en haut le manche, la main est étendue soutenant d'en bas une partie du manche et de la circonférence de la matraha.
La pâte que la première femme a posée sur la matraha commence à être traitée de la façon suivante : Soraya accomplit le mouvement qui s'appelle sah pour élargir la pâte, et lui donner sa forme ronde. Ce mouvement est difficile et demande un long entraînement.
La paysanne tient la matraha de la façon que nous avons décrite, un peu inclinée du côté gauche; elle commence avec sa main droite à imprimer à la matraha des secousses et des poussées légères, tout en soutenant avec la main gauche son bord de l'autre côté.
Ce mouvement fait tourner la pâte qui prend une forme arrondie. Puis elle passe, toujours avec le même geste à un mouvement plus accéléré et plus fort qui fait sauter la galette sur la matraha, qui continue à s'élargir; au même moment elle donne des coups légers sur le bord opposé de la matraha, avec les doigts de la main gauche , pour faire descendre le son.
Ce traitement de la pâte (rah) dure environ 15 secondes pour chaque pain, après quoi la galette a pris sa forme ronde et définitive.
Un pain avant son enfournement mesure 25 cm. de diamètre.
Soraya, par un geste prompt et adroit, projette le pain sur la sole. Ce mouvement rapide, et l'effet du feu, agrandissent la galette. Une fois cuite, son diamètre sera de 30 cm., son épaisseur de 3 à 4 millimètres; ce pain n'a presque pas de mie.
La paysanne sort le pain du four en glissant au-dessous le ûd et l'attire rapidement, une minute après son enfournement.
La couleur de la surface du pain cuit est blanche avec des tâches brunes, le dessous est de couleur brun clair.
Dans certaines circonstances, la paysanne prépare de grands pains qui atteignent 35 cm. de diamètre après cuisson, mais c'est le pain que nous avons décrit qui est courant.
Pendant l'opération rah, la jeune femme alimente le foyer du four avec des arbustes de cotons mouillés et de la gella, pour maintenir le four à une température égale.
Cette fournée à été préparée avec 10 kg.de farine de blé et de maïs; elle donne 100 pains ou regîf ês. La cuisson dure une heure : de 11h30 à 12h30.
Immédiatement après sa sortie du four, le pain est empilé dans la mesanna. Une pile de 100 pains est haute de 50 cm. environ.
Il arrive parfois au moment du rah, que la galette se déforme, c'est à dire qu'elle n'est pas parfaitement ronde ou que son bord se replie; les paysannes disent dans ce cas : le pain s'est déformé (el-regîf etla bat), soit à cause du peu d'expérience de la paysanne, ou à la suite d'un faux geste, ou au moment de sa projection sur la sole, ou pour toute autre raison.
Ce pain ne peut être gardé longtemps; si on le laisse dans la mesanna, il moisit au bout de deux jours; aussi est-il mangé le jour même. La moisissure commence par la partie pliée qui n'a pas cuit et s'étend ensuite à tout le pain.
J'ai essayé moi-même plusieurs fois d'éxécuter les gestes appelés rah, pour voir si j'y arriverais, mais j'ai échoué à chaque fois. Soraya m'a dit (el-regîf etla bat ma âki) ce qui veut dire : "le pain a été déformé par toi".
Ces gestes (rah) ne sont pas faciles à acquérir; on m'a dit que la paysanne commence à s'y entrainer à l'âge de 12 ans et met 3 ans pour bien apprendre ces mouvements; elle y arrive donc à l'âge de 15 ans. Beaucoup de jeunes filles à la campagne se marient à cet âge, et l'une des conditions du prétendant est que sa fiancée excelle à confectionner le pain. L'ignorance de cet art ménager peut constituer un obstacle durable au mariage d'une jeune paysanne.
A Kafr el-Deir et dans la plupart des villages d'Égypte, il n'y a pas de boulangeries : si les jeunes filles de la famille ou la mère ne savent pas préparer le pain, où le trouveraient-elles ?


Séchage du pain

Après la cuisson, la paysanne prend le quart de la fournée, pour opérer le séchage (el-taldîn), le pain traité par cette opération s'appelant ês meladden. Voici comment elle procède.
Le four à pain garde sa chaleur longtemps après la cuisson; la paysanne va en profiter. Elle range sur la sole 5 pains renversés, c'est à dire : la surface posée sur la sole et le dessous vers le haut. Ils y restent une minute ou une minute et demie, suivant le degré de chaleur. A la sortie du four, ces pains sont croustillants et grillés.
Si le pain de maïs en particulier n'est pas séché, au bout de quelques jours il sera difficile de le manger; il est indigeste et s'effrite facilement.
Le pain est aussi grillé. Cette opération que nous décrirons un peu plus moin s'appelle : el-tagmîr. On commence à griller le pain trois jours après la cuisson. Le pain séché (meladden) est un complément du pain grillé (megammar), ou bien parceque la paysanne n'a pas grillé une quantité suffisante de pain, ou parcequ'elle n'a pas eu du tout le temps de griller du pain pour le repas, enfin parcequ'il y a des personnes qui préfèrent le pain séché au four.
Nous résumons : à partir du troisième jour après la cuisson on grille le pain de repas et l'on complète avec du pain sec.


Grillage du pain

L'habitant ou le visiteur de cette région entend souvent ce court dialogue : "apporte du pain, fillette"; réponse : "combien de pains ?". Nous commentons la réponse de la fille : ce pain doit être grillé avant le repas.
La paysanne met deux pains sur la sâga, l'un sur l'autre. Elle chauffe le kânûn avec de la paille ou du bois de coton et y pose la sâga.
Quand le pain de dessous est grillé, elle renverse leur position, de sorte que le pain de dessus est au contact de la sâga et le pain grillé en premier est posé sur l'autre. Le grillage (tagmîr) des deux pains dure 3 à 4 minutes, suivant la puissance du feu.
Il y a aussi deux autres moyens pour griller le pain où la paysanne n'utilise pas le kanûn :
- ou bien on allume du bois de cotonnier ou des panicules de maïs (kawâleh dora); quand le feu se calme, la paysanne pose dessus un pain, qu'elle retourne tout en activant le feu avec un bout de sa robe (gallâbeya); ou encore quand le four de la maison ou celui des voisins est prêt pour une cuisson, on en profite. Dans ce cas, la quantité de pains à griller est posée sur la sole pendant 30 secondes ou moins.
Dans ces deux cas, la sâga n'est pas employée.
Le pain grillé (megammar) reste tendre, contrairement au pain séché (meladden) qui est croustillant.
En résumé, le grillage (tagmîr) consiste à chauffer le pain d'un seul repas.
La famille consomme l'équivalent de 3 cuissons de 100 pains, soit 300 pains par mois.


Fawzeya et Kamel RIZQALLAH
Institut Français d'Archéologie Orientale
LE CAIRE




Sylvie Barbaroux - Romancière

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